Les entretiens avec les parents, de jeunes fumeurs de cannabis

La plupart du temps, il n’est fait que très peu de place aux parents dans les consultations motivées par la consommation de cannabis chez les adolescents.
J’ai toujours pris le parti, radicalement différent, d'accorder toute mon attention aux parents qui, dans le désarroi, face aux consommations d'un de leurs enfants.

 

Plusieurs raisons à cette prise de position :

*    Lors que les parents prennent l’initiative d’appeler, les jeunes sont rarement enclins à entériner la position de leurs parents. Adolescents, ils ne veulent pas, sur un point conflictuel, insigne de leur autonomie naissante, s’aligner sur le souhait des parents. La disqualification des parents fait partie de l’adolescence. Il dira facilement :« C’est ma mère qui veut que je vienne. Elle voudrait que j’arrête de fumer. Elle croit parce que je fume avec les copains, je vais devenir toxico. Elle me prend la tête là-dessus. »

*     Les valeurs prônées par les parents sont souvent rejetées par l'adolescent. Jean-Claude Izzo dans « Chourmo»  en donne un bon exemple : « Ah ouais, super. J’pourrais m’acheter la télé, le magnétoscope cotiser à la retraite et regarder passer les Kawa dans la rue. Comme les vaches, elles regardent les trains. C’est ça, hein Ouais, super, les mecs. C’est cool… »

*     C’est les parents qui nous supposent un savoir, sur leurs difficultés et sur l’adolescence, via une recommandation, un autre parent, un médecin. En revanche, dans ce contexte, la demande des adolescents est plus facilement d’informations « fiables » scientifiques, médicales, sur « le produit », plus rarement sur une souffrance ou un mal-être.

*    La souffrance, le sentiment d’impuissance, la culpabilité, des parents doivent être entendus, faute de quoi les réactions à la provocation, à l’agressivité de l’adolescent, peuvent aggraver la situation.

*    Les parents font une demande de leur place de parents. Quant ils prennent contact. Ce sont eux, les parents, qui prennent contact avec nous, qui font part de leurs inquiétudes, de l’impuissance qui les conduit à demander : « Que dois-je faire ? ». La souffrance est de leur côté. Le fils ou la fille sont peu demandeurs, ils sont tout au plaisir  qu'ils découvrent.

*    Avec l’adolescence, la puberté, leur enfant change. Ce qu’il devient ouvre une brèche, il n’est plus « sage comme une image ». La brèche qui parfois s’ouvre n’est pas à négliger.

 

À entendre ce qui leur est dit, par leur enfant, la violence des propos, ils éprouvent un moment d’incroyance, Unglauben1, qui provoque une vacillation de l’Autre, lieu symbolique d’où se pose la question de l’existence du sujet, au-delà de la fonction parentale.

    Ce choix ne préjuge en rien de leur éventuelle responsabilité, mais entérine une plainte, susceptible de devenir symptôme et donc analysable. Analyse qui comme l'expérience le montre, est loin d'être sans effets sur leurs enfants.

Quelle que soit la place accordée à l’adolescent dans notre réponse, il est souhaitable, voire indispensable, que la souffrance des parents soit entendue avant que ne se mettent en place des réponses inappropriées, sévères ou brutales. : Ces réponses stigmatiseraient une pratique qui n'est pas toujours bien établie et qui risque de devenir l’enjeu d’un désaccord, de promouvoir un bénéfice secondaire (subrepticement la souffrance devient comme une raison d’être du souffrant), de désigner un objet de jouissance.

Écouter le père ou la mère n’est pas écarter l’enfant dont ils parlent. L’analyse de ce qui se dit permettra de dénouer les éléments, histoire, santé, famille, trauma, qui l’assignent, le piègent à la place où il se trouve. L’écoute d’un ou des parents vise à « réordonner les contingences du passé en leur donnant le sens des nécessités à venir »2, et faire en sorte que ce qu’ils transmettent à leurs enfants soit marquer des manques et divisions qui les constituent, plutôt que du refoulement.

L’adolescent qui ici incarne l’avenir doit découvrir le sien, fut-ce en un moment où il est en proie au Réel. Pour l’adolescent, ce sont les manifestations du Réel, à la puberté, qui "vérifient" les acquis de la sexualité infantile. Il en résulte parfois que des failles dans la construction du sujet, souvent restées inaperçues tant que l’enfant est sous tutelle parentale, vont se révéler. Avec la puberté, à l’adolescence survient un déplacement du champ pulsionnel. Les modifications réelles, pulsionnelles, sont d’abord non symbolisées puis mal symbolisées par le rapport sexuel.

1. Quand ont lieu les premières consultations?

2. L'enfant réalise la présence de l'objet a dans le fantasme

3. Le symptôme représente la vérité du couple familial

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